Stéphanie PICARDAT : Fragments de Vie, sous les émotions, la vie !

Dans l’histoire de Stéphanie Picardat, l’art est une évidence longtemps tue, avant d’être enfin incarnée, éveillée par les secousses de la vie. Elle tire le fil générationnel débuté par sa grand-mère. Elle prolonge un fil générationnel amorcé par sa grand-mère, tissant entre héritage et expression personnelle une œuvre profondément habitée. Aujourd’hui, ses portraits, aux silhouettes affirmées, aux regards ancrés et aux couleurs éclatantes, captivent. Leur intensité fascine : une présence à la fois frontale et mystérieuse s’en dégage. Portrait.

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Stéphanie PICARDAT

Dans cet interview, Stéphanie Picardat nous conte son histoire avec la peinture, ancrée dans ses racines et qu’elle a manifesté au gré des étapes de la vie. L’intensité de ses portraits est tempérée par une palette de couleur vivante célébrant les émotions avec authenticité, sans retenue. 

Ngalula MAFWATA : À quoi ressemblent vos débuts dans l’art ?

Stéphanie PICARDAT : Mon parcours débute de manière classique puisque suite à un baccalauréat en arts plastiques, j’ai suivi par une classe préparatoire aux Beaux Arts et des études en histoire de l’art. Je suis finalement entrée dans la vie active à travers  dans l'édition, dans l’art puis le prêt-à-porter de luxe. J’ai commencé la peinture autour de mes dix-sept ans ans et je me suis arrêtée autour de mes vingt-cinq ans en entrant dans une vie active. Pourtant, cette création n’a jamais cessé de m’accompagner au quotidien, que ce soit à travers l’édition, la mode ou encore le mécénat d’entreprise. Ma pratique picturale, elle, était restée enfouie,  du moins je ne l’affirmais pas même si elle était là, au fond de moi. 

Couple en équilibre (36x27), Acrylique et feutre sur toile, Stéphanie PICARDAT

Ngalula MAFWATA : Comment votre histoire personnelle a-t-elle façonné votre approche de la peinture et des thèmes que vous explorez ?


Stéphanie PICARDAT : J’ai arrêté la peinture après un choc personnel : la perte de mon fiancé très jeune. La porte s’est alors fermée, et elle ne s’est rouverte que quelques années plus tard, à la suite d’une autre perte. C’est d’ailleurs pourquoi mon travail s’articule autour de la mémoire et du souvenir, avec ces personnages et portraits plus ou moins présents, comme dans ma série Amor Fati, ou au contraire, apparaissant de façon diffuse. J’ai repris la peinture autour de 2018, en affirmant réellement ce désir et cette volonté de m’exprimer à travers la peinture, là où j’étais auparavant dans une pratique silencieuse et personnelle. Au fond, je réalise avoir toujours cherché à travailler sur la mémoire et cette question du que nous reste-t-il finalement ? Qu’est-ce qui nous façonne ? C’est cela qui se reflète dans mes œuvres. Qu’est-ce qui est lisible en nous de nos absents, comment ils se manifestent ? On est tous faits de ça — de nos rencontres, de nos bonheurs et de nos pertes. La peinture est ma manière personnelle de s'extérioriser.

 

Ngalula MAFWATA : Votre intimité semble avoir beaucoup d’influence finalement dans votre travail ?


Stéphanie PICARDAT : Mes influences familiales sont fortes, notamment à travers ma grand-mère paternelle, qui a été peintre toute sa vie et y a consacré une grande partie de son existence, dans le silence elle aussi. Mon parcours fait écho au sien. C’était une femme forte, déterminée, qui savait ce qu’elle voulait. C’est elle qui a pointé m'a sensibilisée à la couleur et encouragée à dépasser certains complexes familiaux. Là où d’autres semblaient dotés d’une grâce naturelle pour le dessin par exemple, j’ai trouvé mon propre langage artistique à travers la couleur, avant tout.

Au fond, je réalise avoir toujours cherché à travailler sur la mémoire et cette question du que nous reste-t-il finalement ? Qu’est-ce qui nous façonne ? C’est cela qui se reflète dans mes œuvres.
— Stéphanie PICARDAT

Amor Fati I (49x60), Acrylique et feutre sur toile, Stéphanie PICARDAT

Ngalula MAFWATA : Comment vos expériences personnelles et familiales nourrissent-elles votre travail artistique ?

Stéphanie PICARDAT : Il y a un portrait de mon père, peint par ma grand-mère, qui m’a toujours accompagnée. Ce n’est pas un portrait très réussi, il a été réalisé rapidement sur du carton, avec une certaine rigidité, peu de mouvement. Pourtant, il est resté en moi. Avec le recul, je me rends compte que j’ai puisé dans ce souvenir pour construire les portraits que je peins aujourd’hui,  droits dans leur stature, les épaules fixes, les bras souvent rigides. C’est un portrait avec lequel j’ai grandi, qui refaisait surface au fil des déplacements dans l’appartement de mes parents. Un portrait précieux, chargé d’une présence silencieuse.

Ngalula MAFWATA : Le langage des couleurs est unique, pouvez-vous nous en dire davantage ?

Stéphanie PICARDAT : L’usage de la couleur est excessivement spontané chez moi : il n’y a pas de recherche esthétique volontaire. C’est un fil conducteur qui me permet de marquer des temps, de signaler des étapes et de définir mes personnages afin de les mettre en lumière. La couleur est instinctive et porte mon art. Ce sont elles qui m’aident à révéler ces corps sur mes toiles. Cette profusion traduit un état émotionnel plus qu’une volonté esthétique. Je ne peux pas faire autrement, je ne sais pas faire autrement. Ces couleurs témoignent de qui je suis. Le bleu, par exemple, a été une obsession pendant un moment, une période sombre et difficile. À l’inverse, Amor Fati exprime une réconciliation, une renaissance : une phase de ma vie où je me suis reconnectée à la joie. Il y a un certain lâcher-prise et une acceptation dans cette série. Cette gaieté se ressent à travers des couleurs plus chaleureuses et plus nombreuses. On a beau vouloir intellectualiser les choses, les émotions parlent. Peindre, même lorsque l’on traverse des périodes plus sereines, est essentiel. Accepter de créer autrement, c’est formidable.

Mémoire de l'eau VII (29x29), Acrylique et feutre sur toile, Stéphanie PICARDAT

C’est difficile d’être complètement ce que l’on est. La peinture, c’est se mettre à nu et être vulnérable, encore plus en société. C’est un moment délicat que d’expliquer sa démarche, avec cette impression que le regard de l’autre va tout définir
— Stéphanie PICARDAT

Ngalula MAFWATA : Les regards, profonds, attirent le regard sur vos toiles

Stéphanie PICARDAT : Je me suis aperçue, en observant ce qui retenait l’attention des personnes découvrant mon travail, qu’on me faisait souvent la réflexion que je crée des portraits qui nous regardent — ce dont je n’avais pas du tout conscience. C’est tellement vrai. Je fais en sorte que mes portraits racontent une histoire, qu’ils reviennent avec des émotions différentes. Certains personnages ont récemment commencé à arborer un regard plus apaisé, plus doux.

Ngalula MAFWATA : Il y a de la prudence dans votre parcours et discours, comment appréhendez-vous votre identité d’artiste ?

Stéphanie PICARDAT : C’est difficile d’être complètement ce que l’on est. La peinture, c’est se mettre à nu et être vulnérable, encore plus en société. C’est un moment délicat que d’expliquer sa démarche, avec cette impression que le regard de l’autre va tout définir : si, au fond, ma proposition artistique résonne ou non. Comme je suis totalement ce que je peins, cela peut me fragiliser, surtout face à quelqu’un qui n’est pas sensible à mon travail. J’ai encore beaucoup de chemin à faire sur cet aspect. La question revient souvent : « Est-ce que tu en vis ? » Vendre valide. D’ailleurs, lorsque j’ai repris la peinture à plein temps, j’ai gardé cette décision pour moi avant de l’avouer à mon entourage, à l’exception de mes enfants, qui m’ont soutenue et encouragée dès le départ.

Nos âmes d’enfants I (61 x 38 cm), Acrylique sur toile de lin, Stéphanie PICARDAT

Qu’est-ce qui me pousse actuellement ?

Stéphanie PICARDAT : Replonger dans la couleur et l’abstrait, sans pour autant abandonner mes portraits, et aborder mon travail sous un angle différent.

Retrouvez le travail de Stéphanie PICARDAT sur VLFineArt ses espaces personnels. Les oeuvres de Stéphanie PICARDAT seront exposées lors de la prochaine édition de Art Shopping Paris au Carousel du Louvre du 16 au 19 octobre 2025.

Ngalula MAFWATA

Ngalula MAFWATA is the founder of Mayì-Arts.

https://www.mayiarts.com
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