1-54 New York Confessions : Craig Mark décrypte le stand sensationnel de The Melrose Gallery
Lors de l’édition 2025 de la foire 1-54 à New York, The Melrose Gallery a présenté un stand remarquable réunissant quatre figures majeures de l’art contemporain sud-africain et africain : Dr Esther Mahlangu, Pascal Konan, Mohau Modisakeng et Clint Strydom — chacun issu d’une génération différente et porteur d’un récit personnel singulier. Nous avons demandé à Craig Mark, directeur de la galerie, de nous guider à travers cette présentation et de revenir sur son parcours avec The Melrose Gallery, aujourd’hui reconnue comme une référence incontournable dans la représentation de l’art contemporain panafricain.
The Melrose Gallery, 1-54 New York 2025
On perçoit à la fois la passion et la profondeur dans les propos de Craig Mark, directeur de The Melrose Gallery, lorsqu’il s’exprime à 1-54 New York et revient sur son parcours singulier — un voyage qui débute dès l’enfance, lors de sa première rencontre avec le marché des enchères sud-africain. Passé de l’art moderne à l’art contemporain, Craig partage son expertise dans cet entretien exclusif pour Mayi Arts. Voici le premier volet de notre série consacrée à 1-54 New York.
Ngalula MAFWATA : Quel a été le moteur pour The Melrose Gallery pour participer à cette édition de 1-54 New York ?
Craig MARK : Les artistes africains ont longtemps été sous-représentés. Je pense que cela commence à changer — de plus en plus de curateurs africains trouvent leur place dans les foires, musées et galeries à l’international. En tant que galerie panafricaine basée en Afrique du Sud, il nous semblait essentiel d’offrir à nos artistes une visibilité internationale. Participer à 1-54 New York, qui met spécifiquement l’accent sur l’art africain, nous est apparu comme une évidence. Je suis basé à San Francisco, donc je travaille désormais davantage avec les foires américaines — offrir une plateforme à nos artistes ici est une priorité.
Ngalula MAFWATA : Comment avez-vous vu évoluer la perception de l’art contemporain africain dans les foires internationales comme 1-54 ?
Craig MARK : Nous avons participé à 1-54 New York cette année, et nous étions à Londres l’an dernier, donc je ne peux pas parler des éditions précédentes. Ce qui ressort néanmoins, c’est que les visiteurs de 1-54 manifestent déjà un véritable intérêt pour l’art contemporain africain. Dans d’autres foires internationales, seul un petit pourcentage du public s’intéresse à cette catégorie, ce qui signifie que vous devez les initier à quelque chose de nouveau. Cela fait de 1-54 un espace beaucoup plus ciblé et enrichissant.
Ngalula MAFWATA : Pouvez-vous nous parler de la curation de votre stand à 1-54 New York cette année ?
Craig MARK : Nous avons opté pour quelque chose de nouveau — quelque chose qui pourrait bousculer les attentes sur ce que « l’art africain » devrait être. Nous présentons deux photographes puissants, Mohau MODISAKENG et Clint STRYDOM, ainsi que Dr Esther MAHLANGU, une figure emblématique. Bien qu’elle vienne d’un contexte très traditionnel, son œuvre a cette audace, cette esthétique pop qui résonne fortement. Elle fait partie des rares femmes de sa génération à avoir atteint ce niveau de reconnaissance internationale, collaborant avec des marques et institutions de renom. Elle a une présence iconique. Nous montrons ses magnifiques récipients peints — des formes rondes couvertes de motifs géométriques et abstraits — très reconnaissables, et nous avons pensé que ce serait une interaction très intéressante avec les artistes plus jeunes. En parallèle, nous présentons aussi le travail de Pascal KONAN de Côte d’Ivoire, qui crée sur denim blanchi, toile, et utilise l’encre et la peinture. Tous les artistes que nous exposons vivent et travaillent sur le continent, et leurs styles sont très différents — pourtant, leurs œuvres racontent toutes une expérience individuelle vécue en Afrique. C’est cette conversation que nous avons voulu construire à travers notre curation.
Passage 6, Mohau MODISAKENG, 2017, The Melrose Gallery
Ngalula MAFWATA : Voyez-vous l’intérêt mondial pour l’art contemporain africain comme un mouvement durable et pérenne ?
Craig MARK : Absolument. D’ici 2030, environ 42 % de la jeunesse mondiale vivra en Afrique. On ne peut pas ignorer un continent qui abrite la majorité des jeunes de la planète — ce sont eux qui façonneront l’avenir. Le message porté par cette jeunesse africaine aura un impact à l’échelle mondiale. Nous nous éloignons également de cette vision segmentée de l’Afrique par régions. Aujourd’hui, la plupart des artistes puisent leurs influences non seulement dans leurs expériences personnelles à travers différentes parties du continent, mais aussi dans leurs échanges avec d’autres artistes à l’international. Il y a une énergie singulière et puissante dans les œuvres qui émergent du continent, et de plus en plus de gens s’y connectent.
Ngalula MAFWATA : Comment voyez-vous les artistes et acteurs naviguer et influencer la scène artistique mondiale aujourd’hui ?
Craig MARK : Il y a un véritable échange qui s’opère. Des personnalités comme Ernestine White-Mifetu au Brooklyn Museum, Smooth Nzewi au MoMA, ou encore Koyo Kouoh*, qui va curer la Biennale de Venise — ce sont des postes importants. Plus il y aura d’Africains à ces niveaux de responsabilité, plus la demande d’art issu du continent grandira, tout comme l’exposition et l’intérêt général.
(NDLR : Cet entretien a été réalisé le 6 Mai 2025)
“D’ici 2030, environ 42 % de la jeunesse mondiale vivra en Afrique. On ne peut pas ignorer un continent qui abrite la majorité des jeunes de la planète — ce sont eux qui façonneront l’avenir. ”
Ngalula MAFWATA : Parlez-nous de votre parcours, ce qui vous a mené à The Melrose Gallery ?
Craig MARK : Mon défunt père a été l’un des premiers commissaires-priseurs en Afrique du Sud. J’ai grandi en travaillant avec lui sur des ventes aux enchères de maîtres sud-africains. À sa mort, j’ai repris l’entreprise, ce qui m’a permis de rencontrer de nombreux artistes à la recherche de représentation et de soutien. C’est cet aspect du métier que j’ai vraiment aimé. J’ai étudié l’art moderne, mais aussi le marketing et la publicité. J’ai toujours aimé le processus de construction de carrière d’un artiste, faire en sorte que son travail soit vu. Cela m’a naturellement conduit vers les galeries. J’en ai dirigé plusieurs avant d’ouvrir The Melrose Gallery à Johannesburg, il y a maintenant neuf ans. Elle se porte très bien. Nous représentons un mélange dynamique d’artistes confirmés et émergents venus de tout le continent. On travaille autant avec des artistes vétérans, nés dans les années 1930, qu’avec de jeunes talents. C’est un patchwork vraiment passionnant d’artistes venus de toute l’Afrique.
Ngalula MAFWATA : Quels sont les projets ou expositions à venir qui vous enchantent le plus ?
Craig MARK : En ce moment, nous présentons Ubuntu Ngumuntu Ngabantu, un corpus majeur d’œuvres de la Dre Esther Mahlangu à la Serpentine North, à Londres. C’est l’une des expositions les plus importantes pour une artiste africaine de sa génération, et elle sera visible encore pendant quelques mois. La Serpentine l’a d’ailleurs invitée à venir voir l’exposition dans les prochains mois, ce qui nous réjouit. Nous avons également publié des estampes en édition limitée de ses œuvres, une projection est prévue sur la façade du Louvre à Abu Dhabi, et nous participons à plusieurs foires, notamment l’Atlanta Art Fair et Scope à Miami. Nous nous associons également à la Jenkins Johnson Gallery pour une présentation solo du travail de Mahlangu à Frieze New York.
Pour en savoir plus sur The Melrose Gallery, rendez-vous sur leur site : www.themelrosegallery.com.